La lettre ouverte au Ministre de Jean-Noël Mialet, nanti privilégié, profiteur du système au lycée Fermat de Toulouse, sur le site Infoprepa de l'APHEC
adopteunprofdezep.com
Il ne faut pas confondre "les professeurs sont différents alors qu'ils font le même métier" et "les professeurs sont les mêmes mais ils font un métier différent"
jeudi 5 décembre 2013
mercredi 4 décembre 2013
Article paru dans le Figaro du mercredi 4 décembre 2013
Professeurs de tout le pays, unissons-nous !
Les
professeurs de classes préparatoires ne naissent pas dans les roses ni les professeurs
de ZEP dans les choux. La tactique classe contre classe, “pauvres” contre
“nantis”, relève d’une représentation purement idéologique. Comme à l'armée, la
fonction prime le grade, des agrégés enseignent couramment en 6ème, des certifiés
en Terminale. Un agrégé enseigne parfois en ZEP avant de devenir professeur de
classes préparatoires. Loin d’être opposés, les deux métiers sont liés l’un à
l’autre. Les auteurs de cette tribune en fournissent une preuve en forme de
clin d’œil, puisqu’ils seraient l’un « pauvre », l’autre
« riche », mais qu’ils vivent par bonheur sous la communauté de
biens, ce qui simplifie grandement la question.
En prétendant redistribuer 10 à 20% du
traitement de certains professeurs de classes préparatoires à ceux de ZEP, le
projet Peillon établit faussement un lien de cause à effet entre la situation
financière de ces professeurs, réputée plus confortable, et celle, très
dégradée, des professeurs de ZEP. Il s’agit en fait d’organiser, pour répondre dans
la panique à la chute de la France dans le classement PISA, une « flexi-insécurité »
des enseignants du supérieur sans donner le moindre gage d’amélioration réelle aux
professeurs de collèges difficiles. Monsieur Peillon balaie
toute objection d’un argument indépassable : « les gens qui
choisissent ce métier ne le choisissent pas d’abord pour l’argent ».
L’égalitarisme théorique qui préside à cette
réforme est une impasse, la revalorisation qu'elle propose une humiliation pour
tous. Ce décret organise l’impossibilité de l'attractivité verticale pour les
professeurs, avec la complicité de syndicats d’enseignants qui, bloqués sur un
égalitarisme d’un autre âge, sont incapables de défendre la profession qu’ils
sont censés représenter.
Or, si les professeurs sont mal considérés, c’est
qu’ils sont mal payés. Le malaise des "profs", leitmotiv des médias,
c'est leur feuille de traitement, cela va mieux en le disant. Les professeurs
de ZEP ne demandent pas la charité. Ils sont las de la faiblesse de leurs
salaires, de l’absence de formation continue de qualité, et surtout de l’étroitesse
de leurs perspectives de carrière, mais ils ne sont en aucun cas des victimes et
n’ont pas besoin de compassion. Il est faux de dire, comme on le fait à chaque
fois que tombe le couperet de PISA, que la France « délaisse » ses élèves les plus faibles. C’est bien
plutôt les professeurs qui enseignent à ces élèves faibles (ZEP ou pas
d’ailleurs) qui sont délaissés par un système d’enseignement en crise, alors
qu’ils manifestent un dévouement qui tient du miracle.
Il est absolument essentiel de revaloriser
les salaires et de rendre les concours attractifs par des
perspectives de carrière valorisante. Il est urgent, crise des vocations et catastrophe du classement PISA oblige, de
remettre le professeur au centre des préoccupations, de lui offrir tout au long
de sa vie professionnelle une formation continue de très haute qualité, de lui
laisser de l’autonomie plutôt que de l’infantiliser en lui imposant un
renouvellement incessant des programmes et des réformes vouées à l’échec. Il faut
faire en sorte que les professions de l’enseignement attirent à nouveau les éléments
les plus dynamiques en s’inscrivant dans une possible stratégie de carrière –
on enseignerait dix ans, puis fort de ses compétences, on exercerait un autre
métier, ou l’inverse – Le système des classes préparatoires, qui valorise ces
compétences, doit donc servir d’exemple plutôt que de repoussoir.
Ce qui peut faire le lien entre les ZEP et
les classes préparatoires, c’est l’innovation aux deux bouts de la chaîne. Au
lieu de confondre excellence et élitisme, il faut poursuivre patiemment
l’ouverture des classes préparatoires. En effet, si le collège du V° ou celui des
banlieues déshéritées restent tous deux des lieux d’homogénéité sociale, les classes
préparatoires, qui accueillent des étudiants venus de tous horizons, sont précisément
un bastion de la méritocratie républicaine. On ne résoudra ni l'absence de
mixité sociale, ni les problèmes
de l’Université en abattant un système qui fonctionne, puisque oui, pour
paraphraser Galilée à son procès en 1633, « e pur si muove ». Il est plus
judicieux de réfléchir à ce qui pourrait rendre les collèges attractifs, par
exemple sur le modèle des charter schools
américaines, qui financées par des fonds publics, fédéraux et locaux,
développent y compris dans les quartiers les plus démunis des programmes
extrêmement innovants. C’est l’attractivité, que seule l’innovation
poussée rend possible, qui créera une mixité volontaire et non imposée, car dans
ce cas fatalement contournée.
Professeurs de tout le pays,
unissons-nous ! Unissons-nous pour rompre avec le misérabilisme, pour
faire fonctionner la belle machine du savoir. Pour faire que tous les écoliers,
à l’image de ce que les plus âgés d’entre eux connaissent en classes
préparatoires, conservent un souvenir marquant de ce que nous leur avons
appris.
Anne-Sophie Letac, professeur en CPGE & Jean-François Immarigeon, professeur en ZEP
lundi 2 décembre 2013
Camarades zépistes!
Je suis
professeur d’histoire dans l’Education nationale, et grâce à Monsieur Claude Allègre,
ministre de l'Education Nationale qui a inventé les académies hermétiques et les mutations sans
possibilité de retour en arrière, j’ai fait le grand saut dans l’Académie de Paris en 2005, et je me
suis retrouvé prisonnier de nouvelles règles, dépouillé des nombreux points
patiemment accumulés en zone violence, parce que mon ministre avait changé brusquement
les règles d’un « jeu » qui ne fait rire que lui (que sa mémoire soit à jamais louée).
Je suis donc affublé du sigle de TZR (titulaire remplaçant) dans
une ZEP à Paris, ce qui signifie, pour les ignorants qui ne comprendraient pas encore
les sigles et acronymes que nos grandes administrations (Défense et Education
Nationale) inventent à tour de bras, qu’après vingt ans de bons et loyaux
services, je perpétue chaque année l’étrange et stimulant rituel qui consiste à
ne pas savoir fin août où je serai affecté début septembre, et je relève le
défi d’enseigner l’histoire à des élèves bourrés d’énergie à défaut de
vocabulaire, tout cela pour un traitement proche du SMIC. Certains se
reconnaîtront dans ce portrait, j’en suis sûr.
Vous
comprendrez donc pourquoi je suis ravi de la décision de Monsieur Peillon de remettre
à plat le système. Quelle joie d’apprendre que ces planqués des classes
préparatoires, ces intellectuels en chambre, ces rond-de-cuir éloignés du
combat physique du front vont ENFIN en baver, eux qui échappent à la
mobilisation de notre mission gratuite et obligatoire… Ils vont finir par les payer,
leur lâcheté et leur goût du lucre en voyant du jour au lendemain leur
rémunération fondre comme neige au soleil !
Ce n’est pas
eux qui sont soumis à la vigilance de syndicats qui empêchent toute autre
évolution que motivée par l’âge des artères, pas eux non plus qu’un médecin du
rectorat renvoie en première ligne en interprétant la dépression comme une
mutilation volontaire, pas eux qui touchent une solde supplémentaire de 96
euros mensuels (sur 10 mois) pour les récompenser de leurs loyaux services. Pas
eux non plus qui goûtent à chaque instant les bonheurs de la pédagogie : à
chaque heure quinze minutes pour faire rentrer les élèves dans la classe, puis vingt
minutes d’alphabétisation après vingt minutes de discipline, sans compter les quinze
secondes de temps de correction par copie. Je n’ose évoquer le temps de
préparation de ce que l’on appelle
chez les planqués un « cours » et chez nous depuis des années
une « séquence ».
Finissons-en
avec les classes de 45 élèves
intéressés et aimables, les copies qu’ils corrigent des week end entiers bien
au chaud dans leur fauteuil club avec un bon cigare … et puis surtout avec cette
insupportable réussite des élèves, futurs planqués bien sûr, qui va jusqu’à
attirer certains des nôtres, relaps du mérite en dépit des années passées en
ZEP, qui finissent même en fin de troisième par entrer dans des lycées de l’arrière,
et même horreur, en classe prépa ! Cette réussite est insupportable, elle est même contagieuse!
Mais il y a
une solution. À l’instar de la mise en œuvre dès 1915 des marraines de guerre, il est nécessaire de mettre en place aujourd’hui
un système bien « remis à plat » de réversion des heures
supplémentaires des planqués de prépas aux poilus de ZEP.
En ces temps de centenaire de la Grande Guerre, j’ai donc le plaisir, camarades zépistes, de lancer le blog adopteunprofdezep.com qui donne à chaque professeur de prépa la possibilité de se racheter en versant individuellement, nominativement et mensuellement les 15 ou 20% non mérités de leur traitement actuel à un gazier de ZEP choisi parmi nous, photo et argumentaire à l’appui. Un système plus efficace que de redistribuer à tous de quoi s’acheter chaque semaine un nouveau bic rouge inutile, d’autant plus que la carte des ZEP est appelée à être réduite comme peau de chagrin, et que la boîte de Pandore des réductions de traitement des enseignants ouverte, nul doute qu’elle ne se refermera pas de sitôt. A l’image de l’institution des marraines de guerre, adopteunprofdezep.com finira à n’en pas douter par des échanges et des rencontres fructueuses de part et d’autre du front, si nécessaires entres ces deux catégories si isolées l’une de l’autre. Il y aura également des dons de vêtements, les hivers sont si rudes dans le XIXème et si doux dans le Vème…
En ces temps de centenaire de la Grande Guerre, j’ai donc le plaisir, camarades zépistes, de lancer le blog adopteunprofdezep.com qui donne à chaque professeur de prépa la possibilité de se racheter en versant individuellement, nominativement et mensuellement les 15 ou 20% non mérités de leur traitement actuel à un gazier de ZEP choisi parmi nous, photo et argumentaire à l’appui. Un système plus efficace que de redistribuer à tous de quoi s’acheter chaque semaine un nouveau bic rouge inutile, d’autant plus que la carte des ZEP est appelée à être réduite comme peau de chagrin, et que la boîte de Pandore des réductions de traitement des enseignants ouverte, nul doute qu’elle ne se refermera pas de sitôt. A l’image de l’institution des marraines de guerre, adopteunprofdezep.com finira à n’en pas douter par des échanges et des rencontres fructueuses de part et d’autre du front, si nécessaires entres ces deux catégories si isolées l’une de l’autre. Il y aura également des dons de vêtements, les hivers sont si rudes dans le XIXème et si doux dans le Vème…
Venez nous
rejoindre, envoyez vos photos, vos tranches de vie au front, vos retours d'expérience, je les publierai, faites-vous adopter !
Jean-François
Immarigeon
Professeur
d’histoire-géographie en ZEP à Paris, colleur en CPGE à Paris…aussi.
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